Bien que j'apporte la paix aux êtres humains et le réconfort, je suis chiante et parfois impulsive. Autant appeler un chat, un chat et une casse-pieds, une casse-pieds. C'est un contraste étonnant de mon caractère. Parmi tous les anges, je suis celle qui est le plus affectée par le malheur et la souffrance des hommes. La compassion est mon domaine. Je suis douée d'une très forte empathie pour les humains même si cela s'applique aussi à mes semblables ou même aux démons. Tout mon être souffre des douleurs qui peuvent toucher les humains. J'ai besoin de leur apporter paix et réconfort et je passe beaucoup de temps près d'eux.

Je peux parfois me mettre en colère et m'énerver et c'est souvent contre mes semblables. Allez comprendre ! Un ange qui se fiche en colère contre les autres. Il faut dire que j'ai toujours tendance à trouver qu'ils n'en font pas assez. Ce qui est très vilain de ma part. Dieu me l'a toujours dit, les hommes doivent choisir leurs voies dans le bien ou le mal. Les anges ne peuvent pas être là à chaque fois qu'ils se plantent. Bizarrement, j'ai du mal à être d'accord avec ça et je considère que dès que quelqu'un souffre c'est à nous, êtres célestes, d'intervenir. Du coup, je vous raconte pas les prises de bec au Paradis parfois. Les pires étant avec Uriel, l'ange du châtiment. Nos disputes sont presque légendaires au ciel.

Malgré tout, je reste attaché aux miens et malgré nos divergences de point de vue, je les aime comme au premier jour. J'aimerai juste que des fois ils se bougent un peu plus les ailes.

Vous aurez remarqué ma manière un brin atypique de m'exprimer ? Vous inquiétez pas c'est normal. Je suis restée très longtemps sur Terre et j'ai fini par adopter leur façon de parler. Je suis pas du genre à faire de grand discours tout joli, tout beau. Déjà parce que je suis muette et que je vais pas rédiger cinq pages pour un truc qui doit être dit en deux lignes. Ensuite, parce que je trouve ça chiant. Mais là aussi c'est surement parce que je suis restée trop collée aux hommes mais je m'en fiche, je les aime !

Ah oui, j'oubliais, je suis parfois - toussotte - un brin ironique. Si, si, je vous assure cela m'arrive de l'être et c'est pas symptomatique (oula le super mot, ça en fait des points au scrabble ça) des hommes. Je l'ai toujours été... Enfin, je crois. Quand on a 6000 ans on ne va pas chipoter à quelques jours près, c'est dur de tout se rappeler. Surtout quand on a tendance à avoir la mémoire sélective et un brin de mauvaise foi. Rien de bien méchant je vous rassure, sinon je serais dans le camp d'en face, mais bon, ça m'arrive d'oublier un des arguments mis en avant par tel ou tel ange et qui concerne la non intervention systématique dans le monde des hommes. Mais c'est surtout si l'argument est pertinent. S'il est nul ben... il est nul.

Je suis cependant très attachée à Dieu et aux miens. Je n'ai pas hésité à me lancer dans les combats contre les démons lors de la grande guerre céleste. Mon corps, mon esprit et mon âme seront toujours au service du Divin.

Mon histoire... Oula, carrément ! Ben punaise, il va nous en falloir du temps pour tout raconter. Du temps et du papier aussi. Mais comme je suis une grande protectrice de la nature et que le papier c'est des petits arbres tout mignons qui ont rien demandé à personne, je vais faire une version courte de ma vie.

Alors, comme déjà dit, je suis née il y a 6000 ans environ, peu de temps après que Dieu est créé le monde et surtout les hommes. Hommes dont je devins l'une des protectrices. Je les aimais autant que s'ils étaient mes enfants mais j'étais du genre mère poule et j'avais un peu trop tendance à être derrière eux et à les aider même quand il ne fallait pas. Dieu me rappela plusieurs fois à l'ordre mais il tolérait ma manière de faire sachant combien cela me tenait à cœur. Il savait ma souffrance à la fois physique et psychologie devant les douleurs humaines quelles qu'en soient les raisons.

Quand Lucifer essaya de corrompre les anges pour mener le combat contre Dieu, il n'hésita pas à venir me trouver connaissant mon côté sanguin. Mais malgré ma façon de voir le monde, je ne lui suivais pas et restais fidèle au Divin. Quand la guerre se déclencha, je combattis au côté des miens. Je vis beaucoup d'entre eux périr et j'en souffrait horriblement. Même si ma compassion allait surtout au genre humain, elle n'exemptait pas les miens. Loin de là même. Chose étonnante, j'éprouvais aussi de la souffrance pour nos adversaires. Pleurant parfois leurs pertes comme celles de mes frères et sœurs. La guerre s'acheva après une très longue période et la paix revint. J’eus la chance de survivre mais je restais marquée par les horreurs que j'avais vécu.

Je reprenais mon existence d'ange gardien. A la différence des autres anges gardiens, j'avais tendance à ne pas suivre une seule personne. Trop limité pour moi. J'étais comme les papillons, je volais d'humain en humain, apportant à chacun aide et réconfort. Je passais mon temps entre le Paradis et la Terre. Je ne savais rester longtemps chez les miens. Je me sentais mieux auprès des hommes où j'avais la certitude d'être infiniment plus utile que de rester dans un jardin même paradisiaque au sens littérale du terme.

Quand je trouvais le temps, ou qu'on me demandait de remonter, je trouvais le moyen de me confronter verbalement aux miens. Oui, je l'ai déjà dit mais ça mange pas de pain de revenir un peu dessus. J'avais déjà mentionné Uriel. Ben, je vais développer un peu. Donc Uriel ou mister grosse épée comme je l'appelle. Ah non les démons commencez pas avec vos idées perverses. C'est une vraie épée, bande de dépravés. Oui, Uriel est l'ange du châtiment. Cela ne vous dit rien ? ah ben pourtant il est resté célèbre dans l'histoire. Toujours pas ? Bon alors c'est ses actes qui sont restés célèbres alors. Et oui, rappelez-vous... Moïse, les 10 plaies d’Égypte et la mort des premiers nés... Là, ça gigote dans le cerveau ? La pluie de feu sur Sodome et Gomorrhe... Ah ben voilà. Ben oui, c'était lui avec son épée de feu. Monsieur je crame tout le monde, je tue tout le monde... enfin seulement si c'est Dieu qui dit. Non, faut pas croire, ça lui fait pas plaisir mais c'est son job. Avouer qu'il est pas vernie comme ange. Alors imaginez les dégâts entre lui qui tue les infidèles à Dieu et moi qui défends les hommes quelques soient leurs fautes ou presque. On en venait presque à se taper dessus parfois. Certains disaient qu'on était fait pour être ensemble... Pas vraiment certaine de ça. Mais au moins ça mettait de l'animation dans le ciel.

Les siècles s'écoulèrent ainsi jusqu'au XVIe siècle et la mise en place du pacte. Pour empêcher la prophétie et éradiquer, ou au moins limiter, le fanatisme religieux, il fut décidé qu'aucun ange ne pourrait plus aller sur Terre. Mon cœur cessa presque de battre en entendant cette nouvelle. Je ne pouvais accepter cela. Moi qui étais si attachée aux hommes, je ne pouvais rester au Paradis et me contenter de les regarder. Je ne l'aurai jamais supporter. Je serais morte à petit feu devant leurs douleurs que je n'aurai pu apaiser comme par le passé ou, pire que la mort, j'aurais été constamment torturée. J'allais me jeter aux pieds de Dieu, le suppliant, l'implorant pour que ce pacte ne se fasse pas. Mais impossible de le faire fléchir. Impossible de changer quoique cela, le pacte était conclu.

Je continuais pourtant durant des heures et des jours de supplier le Divin pour faire quelque chose. Je fis tant et tant que je finis par le faire fléchir. Avait-il comprit que je ne pourrais vivre sans les hommes, sans leur apporter le don qu'Il m'avait donné ? Une nouvelle rencontre eut lieu entre Dieu et Lucifer. Une rencontre dont personne ne sut rien sauf moi vu que j'étais présente. Dieu demanda un amendement pour que je puisse rester sur Terre. Lucifer refusa, répétant ce qui avait déjà été mis en place, à savoir qu'aucun ange ne devait demeurer sur Terre. Prenant alors la parole, je me retrouvais à supplier le maître des Enfers de me laisser à la rencontre des hommes. Je ne sais combien de temps je restais à essayer de le convaincre, m'abaissant à m'agenouiller devant lui. Mais je considérais que les hommes en valaient la peine. Ils commettaient des erreurs mais ils étaient si jeunes.

Le temps me sembla si long et si court. Avait-il été suspendu ? Je ne sais. Je ne me rappelles plus. Mais la conclusion fut heureuse. Mes larmes et mes supplications auraient-elles touché le maître des Enfers ? Impossible de le savoir mais quoiqu'il en soit, il revint sur sa position. Acceptant que moi et moi seule redescende sur Terre mais il y mettait des conditions. La première étant que je ne pourrais plus revenir au ciel tant que le pacte ne serait pas brisé et que les autres anges ne puissent revenir sur Terre. La seconde étant que je ne doive pas me faire connaître ou reconnaître de qui que ce soit, que je ne possède aucun bien et que je ne bénéficie d'aucun confort. Enfin, il exigea que je me dépossède d'un de mes sens non seulement sur Terre mais également dans les cieux. Sans doute espérait-il me voir renoncer ou alors voulait-il tester ma volonté ? Qui peut le dire à part lui. Je ne laissais pas le temps à Dieu d'intervenir et c'est sans une once de regret que je m'arrachais les cordes vocales, scellant ainsi le nouvel accord qui avait été passé.

Comme le voulait ce pacte, je pus redescendre sur Terre mais ne pouvais désormais plus revenir au Paradis. Je dus apprendre à vivre comme les hommes et avec les hommes. Cela me prit du temps mais j'apprenais petit à petit. Je souffrais de la séparation d'avec les miens et d'avec Dieu lui-même mais pourtant je savais que la séparation avec les hommes auraient été bien pire. Je me mélangeais à eux sans pour autant me faire remarquer. Je devins un vagabonde, errant de ville en ville, traversant les campagnes et les pays, me nourrissant de ce que l'on voulait bien me donner, me vêtant de ce que je pouvais trouver mais continuant de dispenser mes bienfaits aux malheureux que je croisais.

Les siècles ainsi passèrent et jamais je ne me lassais de ma tâche qui était en fait ma raison de vivre et d'exister. Mais désormais le pacte est rompu et je peux retourner au Paradis. Pourtant, je n'en fait rien pour le moment. Trop habituée au monde terrestre, je reste là, prête à combattre pour Dieu et à aider les hommes comme je l'ai toujours fait !